L'import-export présenté, expliqué et commenté, .....Economie, fiscalité,propriété intellectuelle, normes

Ce blog d’information et d'échanges est consacré pour une grande partie à la présentation de l'import-export et du droit des entreprises à l'international – Ainsi qu’au suivi et à l’actualisation du livre L'import-export présenté, expliqué et commenté aux TPE et PME. Il s'adresse aux professionnels de l'import-export, de la logistique, des secteurs financiers et comptables, du droit des entreprises, du droit fiscal, de la propriété intellectuelle, aux enseignants et étudiants en ces différentes matières, et d'une manière générale à toute personne intéressée par le commerce international et la mondialisation. Sans se substituer aux textes applicables ni à ces professionnels qui demeurent en toute hypothèse les sources privilégiées d'information et intervenants référents. Jean Sliwa

L'import-export, les délocalisations et le commerce extérieur

Qu’en est-il exactement de la délocalisation, en quoi consiste-t-elle exactement ? Selon le rapport d’information de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale, du 29 novembre 2006, présenté par Mme Chantal Brunel, les délocalisations sont considérées comme étant «les arbitrages d’entreprises qui renoncent à maintenir, développer ou créer leurs activités en France pour produire ou sous-traiter à l’étranger, à destination du marché national ou des marchés d’exportation ».

Une étude[1] de l’Insee la définit plus largement ainsi : « Une première approche très large consiste à parler de délocalisation dès lors qu’il y a substitution d’une production étrangère à une production domestique pour satisfaire une même demande » et vue sous l’angle des investissements comme «un déplacement de capacités productives d’un pays vers un autre. En pratique, elle implique l’existence d’investissements directs à l’étranger (IDE). L’idée est la suivante : lorsqu’une délocalisation se fait par implantation d’une nouvelle filiale à l’étranger, elle implique un flux de capital à destination de ce pays étranger ».

Dans son aspect le plus dommageable pour un pays, une région, une commune, la délocalisation se traduit par un transfert d’activités entraînant la fermeture de l’entreprise locale ou une forte réduction de sa production et des emplois. Ces délocalisations, le mal par nature, qui affectent l’emploi, l’existence même de l’industrie nationale, de certains secteurs et activités, n’ont pas bonne presse et sont souvent vilipendées. Motivée par le différentiel de coûts, l’entreprise délocalisante cherche en fait le plus souvent à maintenir des activités lui assurant sa survivance et sa pérennité. De productrice, celle-ci devient parfois distributrice sur ses marchés français et européens de ses propres produits fabriqués désormais à l’étranger.

D’autres délocalisations qui ne se présentent pas comme telles revêtent la forme de création d’entreprises à l’étranger ayant vocation à produire à moindre coût mais aussi et surtout à pénétrer les marchés d’implantation et à exporter hors le pays de domiciliation du siège. Généralement, il s’agit donc d'exportations à destination de filiales qui permettent à la société mère de s’étendre au-delà de ses frontières et de se développer. Ces délocalisations moins visibles sont moins critiquées et critiquables en tout cas. Sachant que toute délocalisation tend à générer des importations et exportations entre les sociétés mères et leurs filiales. C’est dire à introduire de la concurrence dans les pays d’importation pouvant affecter les résultats des autres entreprises présentes sur ces marchés.

Délocaliser une production, faire fabriquer à l’étranger, nouer des relations commerciales, s’y installer pour produire et distribuer les produits fabriqués sur place et plus largement, distribuer des marchandises importées, échanger des savoir-faire, a toujours existé principalement pour des raisons économiques, de coûts, de compétences techniques, de pénétration de marché, de développement. Dès que les états et les marchés l’ont permis, quand bien même ceux-ci n’étaient pas pleinement ouverts. Les uns et les autres y trouvant un intérêt.

Comme le relate par exemple l’économiste allemand Friedrich List dans le Système national d’économie politique, publié en 1827 « Longtemps avant cette époque, des marchands allemands isolés, de Cologne notamment, avaient trafiqué avec l’Angleterre ; ce fut en 1250 qu’ils établirent enfin à Londres, sur l’invitation du roi, ce comptoir si connu sous le nom de Stalhoff (cour d’acier), qui, au commencement, exerça tant d’influence sur le développement de la culture et de l’industrie en Angleterre, mais qui y excita bientôt une jalousie nationale si ardente, et, dans les 375 ans qui s’écoulèrent depuis sa naissance jusqu’à sa dissolution, donna lieu à de si vifs et à de si longs débats »….. « Un troisième comptoir, créé à Novogorod, en Russie, dans l’année 1272, faisait le commerce des pelleteries, du lin, du chanvre et d’autres matières brutes en échange de produits manufacturés ».

 

[1] Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française, 2005 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/1371891?sommaire=1371896)

La délocalisation se pratique aussi depuis longtemps sous couvert de deux régimes douaniers ainsi dénommés de nos jours : le perfectionnement passif (faire fabriquer à l’étranger) et le perfectionnement actif (fabriquer en France). Deux régimes qui permettent une production en suspension des droits et taxes et des mesures applicables de marchandises qui seront réimportées ou réexportées après transformation. Avec ses avantages et inconvénients.

En termes d’emplois, d’activités, de recettes, et de dommages causés, par assimilation, comme indiqué précédemment, pour en mesurer l’étendue réelle, il est vrai qu’il faudrait y ajouter les pertes dues aux importations de marchandises produites à l’étranger, également fabriquées ou obtenues ou qui pourraient l’être dans les pays d’importation. Ce qui ressort des propos des partisans du « produire et du consommer local ». Contrairement au « Made in France » qui a aussi vocation à s’exporter.

Considérant que ceci vaut donc dans tous les sens, pour tous les pays qui domicilient des activités ailleurs que dans leurs propres territoires.

Difficile finalement d’établir l’impact réel des délocalisations, comme il ressort des données d’un article Insee Première.[1] Selon cet article « le nombre de suppressions directes de postes en France dues à des délocalisations opérées entre 2009 et 2011 par les sociétés marchandes non financières de 50 salariés ou plus, est estimé à environ 20 000 emplois soit environ 6 600 suppressions par an au cours de ces trois années. Ces 20 000 suppressions représentent 0,3 % de l’emploi salarié en 2011 de l’ensemble des sociétés du champ et 4 % de l'emploi de celles qui ont délocalisé. Les deux tiers de ces suppressions concernent le cœur de métier des sociétés ayant délocalisé ».

Ce chiffrage, mentionne l’article, qui « reflète l’impact microéconomique des délocalisations en termes d’emploi, doit être interprété avec prudence. Il est déclaratif et ne prend en compte que les suppressions directes de postes sans tenir compte de celles qui peuvent être induites chez les sous-traitants de la société, ni, en sens inverse, des emplois qui peuvent être localisés sur le territoire suite au même type de mouvement réalisé à partir de l’étranger ».

D’autres études mentionnent un ordre de grandeur de 9 000 à 20 000 d’emplois perdus annuellement, sachant qu’elles incluent une grande partie des suppressions de postes chez des sous-traitants.

De 6600 à 20 000 emplois perdus annuellement, cumulativement cela peut expliquer en soi le différentiel de chômeurs entre deux pays et les déficits récurrents français du commerce extérieur.

A ce jeu de qui perd gagne, il est un fait : les dommages dus aux délocalisations des uns sont des aubaines pour les autres : les pays, régions et communes accueillantes. En termes d’emplois, d’activités, de production, d’acquisition de savoir-faire, d’exportation, de marges et de bénéfices. Et de recettes fiscales pour les états et les collectivités territoriales.

C’est pourquoi tous les pays tendent à favoriser l’implantation de sociétés étrangères chez eux, moyennant la promotion de leurs territoires, de leur « attractivité », l’octroi d’avantages fiscaux, etc. Ainsi que, ce qui peut être considéré comme un paradoxe, l’implantation de leurs sociétés à l’étranger via des bureaux de représentation, des franchises et la création de filiale ou encore le rachat d’entreprise, selon une stratégie d’ensemble qui tend à favoriser ainsi leurs entreprises, qui, en se développant, y compris à l’étranger, en retirent en toute hypothèse un profit.

Cette double tâche est confiée en France à deux organismes publics : BusinessFrance et Bpifrance. Aidés en cela par les chambres de commerce et d’industrie, les régions, les autres organismes dédiés, les conseils.

Dans une sorte de chassé-croisé, dont il est difficile d’établir un bilan, de connaître exactement quels en sont véritablement les gagnants et les perdants, les délocalisations qui s’inscrivent dans une concurrence de marché, entre états et entre entreprises, prêteront éternellement et légitimement à contestation, notamment quand surviennent les crises économiques, sociales, quand le chômage s’accroît, et seront toujours durement ressenties par les salariés d’entreprises quittant leur région, leur commune, ayant perdu leur emploi. Et généralement les bienvenues dans les pays d’accueil.

 

[1] N° 1451 - Juin 2013 - Chaînes d’activité mondiales : Des délocalisations d’abord vers l’Union européenne, de Lionel Fontagné, Université Paris 1 et d’Aurélien D’Isanto, Insee

 

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