L'import-export présenté, expliqué et commenté, .....Economie, fiscalité,propriété intellectuelle, normes

Ce blog d’information et d'échanges est consacré pour une grande partie à la présentation de l'import-export et du droit des entreprises à l'international – Ainsi qu’au suivi et à l’actualisation du livre L'import-export présenté, expliqué et commenté aux TPE et PME. Il s'adresse aux professionnels de l'import-export, de la logistique, des secteurs financiers et comptables, du droit des entreprises, du droit fiscal, de la propriété intellectuelle, aux enseignants et étudiants en ces différentes matières, et d'une manière générale à toute personne intéressée par le commerce international et la mondialisation. Sans se substituer aux textes applicables ni à ces professionnels qui demeurent en toute hypothèse les sources privilégiées d'information et intervenants référents. Jean Sliwa

L'import-export et les contrôles à la circulation (article 60 du code des douanes)

L’excellent article intitulé Le « flair des douaniers sous contrainte constitutionnelle », de Julien Mouchette[1], rédigé suite à la décision d’inconstitutionnalité du Conseil constitutionnel de l’article 60 du code des douanes révèle au-delà de cette décision bien des aspects des difficultés d’application du droit qui méritent que l’on y revienne.

Voici en résumé l’affaire tel que présenté dans cet article : Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 juin 2022 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 60 du Code des douanes sur lequel reposent les opérations de fouilles des marchandises, des véhicules ou des personnes, dans sa rédaction issue du décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du Code des douanes. Dans sa décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel l’a déclaré contraire à la Constitution[1].

Sans remettre en cause le fait que : 7. La lutte contre la fraude en matière douanière, qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, justifie que les agents des douanes puissent procéder à la fouille des marchandises, des véhicules ou des personnes.

Quels sont donc les motifs évoqués par le Conseil constitutionnel ? « Qu’en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ».

Une décision qui n’est pas passée inaperçue chez les douaniers et sans doute ….chez les fraudeurs : « La déclaration d’inconstitutionnalité, le 22 septembre dernier (2022), de l’article 60 du Code des douanes a suscité de vives réactions de la communauté douanière. Cet article constitue l’un des principaux fondements de l’action des services de la surveillance des douanes en ce qu’il permet, notamment, les fouilles des véhicules et des personnes ».

Or, poursuit Julien Mouchette, « jamais réécrit depuis sa création en 1948, l’article tient en une phrase de 37 mots, ce qui laisse, a priori, une grande liberté aux douaniers dans la détermination de leur contrôle : trop grande ? Si, depuis, la Cour de cassation a pu combler les manques de la loi par sa jurisprudence, le Conseil a eu l’occasion de rappeler, dans sa décision, que des garanties jurisprudentielles ne peuvent compenser l’absence de garanties légales ».

Le lecteur qui n’est point spécialiste de ces questions juridiques pourrait déjà être étonné de ce qu’on en vienne à déclarer anticonstitutionnel un article et des pouvoirs de contrôle appliqués dans ces conditions depuis 1948, sans que l’on n’y retrouve rien à redire, sur le fond. Que ce soit par le législateur (Le Parlement au titre d’entité de contrôle de l’action du gouvernement) et par ce Conseil. Un article dont on pourrait penser a contrario qu’il s’est révélé applicable dans des conditions satisfaisantes, pour chacun, sachant que des garanties légales précisées dans des lois et codes existent, déjà. Lesquelles sont ici entre autres à l’origine de la décision.

Il faut savoir que les dispositions légales mentionnées dans les lois, reprises dans des codes (au nombre de 78), ne sont pas soumises préalablement à l’examen du Conseil constitutionnel, ni de la Cour de cassation[2], ce qui peut aussi surprendre ce même lecteur, et de fait comme le révèle cette décision, des remises en cause à des deux titres (constitutionnalité et interprétation) qui émanent de citoyens sont toujours possibles.

Les projets de loi sont cependant présentés en Conseil d’état, qui «assure un rôle de conseiller juridique pour le Gouvernement, l’Assemblée nationale et du Sénat. Il rend des avis juridiques sur les lois et réglementations avant qu’elles ne soient débattues et votées au Parlement ou entrent en vigueur. Son rôle est de garantir la sécurité juridique des projets de textes qui lui sont soumis. Il veille à ce que ces projets respectent la Constitution, le droit européen et national, soient cohérents, compréhensibles et applicables dans la vie quotidienne. Le Conseil d’État rend des avis consultatifs et ne se prononce pas sur les choix politiques du Gouvernement ou des parlementaires » (https://www.conseil-etat.fr/).

Le fait qu’une loi, qu’un article de loi ancien soient « constitutionnels » n’est toutefois jamais assuré, même plusieurs dizaines d’années après leur création et leur mise en œuvre.

Sachant que le droit n’est pas figé puisqu’il est constamment modifié et complété par l’exécutif, par le Parlement et explicité, revu et corrigé par des décisions rendues par les tribunaux et par les institutions habilitées, chacune dans leur domaine au cas par cas, quand survient une contestation, ces décisions faisant jurisprudences en explicitant de fait plus précisément au final les conditions d’application de ces droits (civil, pénal, douanier, fiscal, …). Ce qui est tout à fait compréhensible, les textes votés ne peuvent en effet prévoir tous les cas de figure susceptibles de se présenter, ni les évolutions pouvant survenir, survenant dans nos conditions de vie, dans l’emploi de nouvelles technologies, prestations de service, etc., qui peuvent bouleverser la donne.

 

[1] Maitre de conférences à l’Université de Reims Champagne Ardenne

https://blog.juspoliticum.com/2022/10/04/le-flair-des-douaniers-sous-contrainte-constitutionnelle-par-julien-mouchette/

[2]  Cette institution remplit une mission essentielle : unifier et contrôler l'interprétation des lois (https://www.courdecassation.fr/).

 

 

Que cet article 60 n’ait point évolué, n’ait pas été complété ne serait-ce qu’au moyen de la jurisprudence et/ou n'ait pas pu l'être, n’est pas donc une réalité, ce que confirment le Conseil constitutionnel et les autres institutions, tribunaux, directement et indirectement, ayant eu à traiter de cas donnant lieu à interprétation et de litiges résultant de constatations opérées lors de tels contrôles.

Ces modifications et créations de droits et des pouvoirs de contrôle existants et nouveaux sont souvent de fait inhérentes, réactives, aux moyens et modalités divers et multiples de fraude employés (l’imagination des fraudeurs évolue sans cesse et est sans limite) et sont aussi pour ces raisons, constantes, à l'initiative de l'exécutif et du Parlement, sans oublier l'Union européenne. En se fondant sur les fraudes commises et ces moyens mis en œuvre pour y remédier avant que les fraudeurs n'aient trouvé les subterfuges permettant de les contourner.

Ce que ces autorités font et/ou s’efforcent de faire, donc, dans une sorte de cercle vicieux et de quadrature du cercle sans être prompts à légiférer, processus gouvernemental et parlementaire oblige. Sachant que des oppositions entre les partis représentés au Parlement peuvent se manifester à divers titres et les mesures idoines reportées à plus tard ou tout simplement ignorées.

Tandis que les lois et décrets sont plus nombreux, plus étendus, souvent assortis de dérogations, d’exemptions d’application, peu lisibles dans tous leurs aspects pour le citoyen non averti ou pressé, les droits des citoyens et les « garanties légales » ont aussi beaucoup évolué, les possibilités de recours se sont multipliées, les procédures se sont judiciarisées, sont devenues très contraignantes pour les agents de contrôle et les magistrats. Ce qui complique l’exécution de ces lois et nécessite de plus en plus l’intervention de conseils, d’avocats, dont certains sont experts en vice de procédures, de consultants chargés de les décrypter.

La judiciarisation du droit douanier, précédemment plus autonome comme le droit fiscal, au sens du recours aux autorisations et aux contrôles de magistrats, en multipliant les intervenants et les actes qui se réfèrent de plus en plus au code de procédure pénale, n’intervient pas non plus dans le sens d’une facilitation de l’application des procédures, considérant que dans certains domaines (ex : la visite domiciliaire, la retenue des personnes), elle est indispensable. 

Il est un fait : l’application des lois et le système judiciaire se sont alourdis et complexifiés, à divers titres.

Ceci se traduit au quotidien par l’existence de risques plus nombreux et spécifiques, de « vices de forme » et de procédures, permanents, dont la révélation par les défenseurs et la prise en compte par les juges sont parfois considérées et ressenties par l’opinion comme préjudiciables à leurs intérêts, aux intérêts d’une collectivité, d’un intérêt général, des victimes.

Comme par exemple lorsqu’une décision de justice, pour une question de forme, emporte la libération de l’auteur, l’exemption de toutes sanctions, quand bien même les faits délictueux particulièrement graves ne sont point remis en cause.

Considérant que le fait que les agents de contrôle soient assermentés, représentent l’état, l’ordre public, n’est pas ou plus dans l’absolu considéré comme un gage supérieur de sincérité et de légalité des constatations sur le fond, face à un vice de forme et de procédure.

Notons que le droit, les politiques menées, la qualité des lois, leur application sont dans tous les pays le reflet des stratégies gouvernementales, des pouvoirs en place, de l’opinion[1], libérales ou protectionnistes, plus ou moins répressives ou permissives, davantage axées ou non sur la liberté des citoyens, la mise en place de procédures de recours plus nombreuses et protectrices, et complexes, etc. Qui peuvent évoluer de même au gré des résultats des élections. Ce qui se conçoit, les lois projetées par l’exécutif étant votées par les majorités parlementaires qui ne sont pas toujours les mêmes. Avec leurs conséquences ayant trait aux fréquents changements qui induisent de fait ou sont susceptibles d’induire des modifications plus nombreuses et diverses que nature, qui se rajoutent aux difficultés rencontrées par les magistrats et les services de contrôle. Légalement.

Des lois et des codes que les magistrats et services de contrôle sont en charge d'appliquer.

Ce qui comporte en termes de lutte contre la fraude, au sens large, davantage - ou non - de moyens légaux, financiers, en effectif, de services de contrôle, de magistrats, de procédures facilitées – ou non, etc. Sachant qu’à tout moment, la réalité du terrain et les faits divers relayés abondamment par les médias sont susceptibles de remettre en cause ces politiques et les politiques eux-mêmes.

Prises parfois dans l’urgence en réaction aux manifestations de l’opinion, les nécessaires mesures sont par ailleurs rarement propices à l’émergence d’un tel équilibre, durablement, hormis les adaptations nécessaires.

De fait, les magistrats, les agents des douanes, policiers et gendarmes chargés avec d’autres services publics, d’appliquer ces lois et de réaliser ces contrôles dans ces cadres juridiques et conditions ont bien quelques mérites, sachant :

1) que leurs procédures sont toujours susceptibles d’être viciées du fait de leurs complexités, de ce formalisme contraignant, indépendamment des nécessités de protection des droits des citoyens, sans que le caractère intentionnel n’ait à être démontré ;

2) l’existence de nombreux et divers recours possibles, allongeant les durées de traitement des faits qui bénéficient ainsi aux fraudeurs ;

3) que le fond ne sera pas pour ces raisons traité ou pas dans les conditions prévues ;

4) qu’ils ne sont jamais à l’abri de la survenance de risques mettant en péril leur intégrité physique (cas des refus d’obtempérer, passage en force, …).

Tout en étant soucieux de la préservation des droits des citoyens qu’ils sont eux-aussi.

Rappelons que ces agents des douanes sont membres d’une administration qui se présente principalement depuis sa création comme une administration de contrôle des flux de marchandises et donc des moyens de transport qui les acheminent d’un point à un autre. Et non véritablement des personnes, même si une relation de cause à effet existe.

Une administration et des douaniers qui assurent également des missions de sécurité, de protection du consommateur, en matière de santé, humaine et animale, de défense des intérêts nationaux, fiscaux, etc. Des missions qui profitent légitimement aux particuliers et professionnels directement et indirectement, indépendamment des quelques gênes occasionnées. Et plus encore à l’intérêt général qui se définit comme étant la «Conception de ce qui est bénéfique à l'ensemble des membres d'une communauté » (https://www.larousse.fr/).

D’autant que ces contrôles effectués par ces professionnels de la douane, dénombrés à l’échelle des moyens de transport qui circulent et du nombre de transports réalisés quotidiennement sont peu nombreux, ne visent qu’une infime partie de ces moyens de transport, ne concernent principalement que les marchandises, leur durée est généralement très courte, non dommageable de fait pour les conducteurs concernés non impliqués dans une fraude (et ils sont nombreux).

Rappelons qu’en matière douanière, un très grand nombre de constatations d'infractions se terminent par la voie de la transaction, comme mentionné à l’article 350 du code des douanes, qui prévoit le règlement d’une amende dont le montant est inférieur au montant applicable par des juges, mettant fin à toute poursuite, en principe. Avec en complément selon le cas le paiement des droits et taxes éventuellement dus, ou la saisie des marchandises de fraude. Ceci dans un cadre adapté, efficace et efficient[2] qui a fait ses preuves, hors généralement toute intervention de magistrats, qui permet donc le traitement définitif et rapide de contentieux.

 

[1] «Jugement, avis, sentiment qu'un individu ou un groupe émet sur un sujet, des faits, ce qu'il en pense, l’ensemble des idées d'un groupe social sur les problèmes politiques, économiques, moraux, etc. » (Larousse, https://www.larousse.fr/).

[2] Qui aboutit à de bons résultats avec le minimum de dépenses, d'efforts, etc. (Larousse).

 

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